Saint Louis-Marie Grignion de Montfort Règles des Prêtres Missionnaires de la Compagnie de Marie
FIN PARTICULIRE DE LA COMPAGNIE.
LEUR DÉTACHEMENT OU PAUVRETÉ ÉVANGÉLIQUE
LEURS ORAISIONS ET EXERCICES DE PIÉTÉ
LEUR CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN
LEUR DÉTACHEMENT OU PAUVRETÉ ÉVANGÉLIQUE
10. 1. Comme il a été dit, n'ayant ni bien de patrimoine, ni
            
            
revenu de bénéfice, ce qui est contrarire au détachement
            
            
apostolique, ils n'ont de ressource que la divine Providence,
            
            
qui les entretient par qui et de la manière qu'il lui plaît.
         
11. 2. Ils n'ont dans la compagnie aucun argent ni meuble en
            
            
propre, ni en cachette, ni en public, la communauté leur
            
            
fournissant tout ce qui est nécessaire pour leur vêtement et
            
            
leur nourriture, selon que la divine Providence le fournit
            
            
elle-même à la communauté.
         
12. 3. La Compagnie n'a et ne peut avoir en propre que deux
            
            
maisons dans le royaume; la première à Paris pour former des
            
            
ecclésiastiques à l'esprit apostolique; la seconde hors de
            
            
Paris, en une Province du royaume, pour s'y aller reposer
            
            
lorsqu'on est hors du combat, et pour y finir ses jours dans
            
            
la retraite et la solitude, après en avoir passé les plus
            
            
beaux, à la conquête des âmes.
            
            
La compagnie peut recevoir des mains de la divine
            
            
Providence les autres maisons qu'on lui donnera, dans les
            
            
différents diocèses ou Dieu l'appellera; mais elle n'en
            
            
recevra que la jouissance, comme un locataire dans une maison,
            
            
ou seulement la demeure comme un étranger dans une auberge. Si
            
            
personne ne veut lui donner de maison, elle n'en demandera
            
            
point; elle se contentera d'en louer quelqu'une, à la campagne
            
            
plutôt qu'à la ville. Mais si quelque personne charitable lui
            
            
fait don de quelque maison, elle en laissera le domaine par
            
            
écrit entre les mains de l'Evêque du lieu et de ses
            
            
successeurs, et n'en conservera que la jouissance: l'Evêque et
            
            
ses successeurs ayant par là tout pouvoir et tout droit d'ôter
            
            
ladite maison aux dits missionnaires, s'ils venaient avec le
            
            
temps à y demeurer sédentaires et à ne pas remplir leurs
            
            
devoirs; et ils peuvent appliquer ladite maison à d'autres
            
            
usages de charité plus utiles au public, sans cependant qu'ils
            
            
puissent s'en appliquer les fruits.
            
            
Par ce moyen les missionnaires ne sont fondés en aucun
            
            
lieu selon que le sont ordinairement les communautés les plus
            
            
régulières; mais en échange ils seront plus solidement fondés
            
            
en Dieu seul, s'ils s'abandonnent toujours sans réserve aux
            
            
soins de sa Providence. Par ce moyen, ils ne seront point
            
            
distraits de leurs emplois apostoliques par les tailles, les
            
            
redevances, les procès et les guerres qui suivent comme
            
            
nécessairement les domaines des terres et des maisons. Par là
            
            
encore, ils sont avertis de ne regarder, comme des pélerins et
            
            
étrangers, les maisons où on les reçoit que comme des auberges
            
            
desquelles ils sortent quand ils ont fait leurs affaires
            
            
nécessaires pour courir toujours: posui vos eatis.
         
13. 4. Pendant le temps que dure la missions qu'ils font, ils
            
            
ne peuvent recevoir aucun argent en aumône de ceux auxquels il
            
            
font la mission; mais, après la mission finie, ils peuvent
            
            
recevoir par les mains du Supérieur les aumônes de pure
            
            
charité ou de reconnaissance qu'on leur présentera.
         
14. 5. Il leur est absolument défendu, soit pendant la
            
            
mission soit après, de demander rien à personne directement ou
            
            
indirectement, ni argent, ni pain, ni quelqu'autre chose que
            
            
ce soit, se fiant entièrement pour toutes choses sur les soins
            
            
de la divine Providence qui ferait plutôt un miracle que de
            
            
manquer aux besoins de ceux qui se fient à Elle. Il ne leur
            
            
est pas cependant défendu de dire, en public ou en
            
            
particulier, de dire leur état de providence et leurs règles
            
            
sur ce sujet.
         
15. 6. Ils disent, comme les religieux de la Compagnie de
            
            
Jésus, toutes leurs messes gratis, pour ceux et celle qui leur
            
            
en demandent; ils peuvent même s'en charger jusqu'â une
            
            
trentaine et non plus; mais si on veut leur en donner quelque
            
            
reconnaissance ou rétribution, ils la font recevoir, après la
            
            
mission ou même pendant la mission, par les mains du Directeur
            
            
ou de l'Econome.
            
            
Pour le Directeur de la mission, [il] ne doit
            
            
ordinairement dire ses messes que pour les bienfaiteurs des
            
            
missionnaires et des pauvres; et il ne manque pas d'en avertir
            
            
le public.
         
16. 7. Quand ils vont en mission, le Directeur ou l'Econome
            
            
porte avec soi quelque argent d'aumône, s'il en a, pour aider
            
            
à réparer les églises et à nourrir les pauvres des lieux où
            
            
ils vont; et, en cas que les peuples, à cause de leur dureté
            
            
ou pauvreté, ne veuillent pas leur donner le nécessaire, ils
            
            
pourront s'en servir pour leur entretien et nourriture; et
            
            
tant s'en faut que cette industrieuse économie soit contraire
            
            
à l'abandon à la providence, qu'au contraire elle lui sert
            
            
d'instrument pour aider les missionnaires et d'aiguillon aux
            
            
peuples pour contribuer à la réapration des églises et à
            
            
l'entretien des pauvres; outre que c'est l'exemple que Notre-
            
            
Seigneur nous a donné, ayant une bourse commune pro suis
            
            
pauperumque usibus, pour ses besoins et ceux des pauvres.
         
17. 8. Si quelque prêtre apporte quelque argent avec soi, en
            
            
entrant dans la compagnie, il le met tout sans réserve dans la
            
            
bourse de la Providence. Si après son entrée dans la
            
            
compagnie, ses parents ou amis lui font quelque aumône ou lui
            
            
donne[nt] quelque rétribution de messes sans l'avoir demandée,
            
            
il l'incorpore de même dans la bourse commune pour être
            
            
appliquée aux besoins de toute la communauté, sans prétendre
            
            
aucun fruit particulier ni aucun privilège singulier, tout de
            
            
même que celui qui n'a rien apporté et auquel on n'a rien
            
            
demandé.
         
18. 9. Si le missionnaire, soit avant soit après ses voeux,
            
            
vient à sortir, par sa tête, sans permission ou par une
            
            
désobéissance formelle, hors de la compagnie, il ne demandera
            
            
aucune partie ni aucun dédommagement de ce qu'il a donné par
            
            
aumône à la compagnie des pauvres volontaires; mais, s'il sort
            
            
malgré lui pour quelque faute considérable qui ne soit pas une
            
            
désobéissance formelle, on lui tiendra compte, au moins en
            
            
partie, de ce qu'il a donné, ses dépenses déduites.