Saint Louis-Marie Grignion de Monfort Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge

 [I. «NECESSITE QUE NOUS AVONS DE LA DEVOTION A LA TRES-SAINTE VIERGE»]

 [A. NECESSITE DE LA DEVOTION A MARIE]

 [1. «DIEU A VOULU COMMENCER ET ACHEVER SES PLUS GRANDS OUVRAGES PAR LA TRES SAINTE VIERGE»]

 [2. «LA DEVOTION A LA TRES SAINTE VIERGE EST NECESSAIRE»]

 [B. NECESSITE DE LA DEVOTION A MARIE PARTICULIEREMENT DANS LES DERNIERS TEMPS]

 [1. «DIEU VEUT REVELER ET DECOUVRIR MARIE DANS LES DERNIERS TEMPS»]

 [2. LA DEVOTION A MARIE NECESSAIRE PARTICULIEREMENT DANS LES DERNIERS TEMPS]

 [A. VERITES FONDAMENTALES DE LA DEVOTION A LA SAINTE VIERGE]

 [«Jésus-Christ est la fin dernière de toutes nos dévotions»] 61. Première vérité. - Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu

 [Nous sommes à Jésus-Christ et à Marie en qualité d'esclaves]

 [«Nous devons nous vider de ce qu'il y a de mauvais en nous»]

 [«Nous avons besoin d'un médiateur auprès du Médiateur même»]

 [«Il nous est très difficile de conserver les grâces et les trésors reçus de Dieu»]

 [B. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A MARIE]

 [1. «FAUX DEVOTS ET FAUSSES DEVOTIONS A LA SAINTE VIERGE»]

 [1. «Les dévots ctritiques»]

 [2. «Les dévots scrupuleux»]

 [3. «Les dévots extérieurs»]

 [4. «Les dévots présomptueux»]

 [5. «Les dévots inconstants»]

 [6. «Les dévots hypocrites»]

 [7. «Les dévots intéressés»]

 [2. MARQUES DE LA VERITABLE DEVOTION A LA SAINTE VIERGE]

 [1. «La vraie dévotion est intérieure»]

 [2. «La vraie dévotion est tendre»]

 [3. «La vraie dévotion est sainte»]

 [4. «La vraie dévotion est constante»]

 [5. «La vraie dévotion est désintéressée»]

 [C. «PRINCIPALES PRATIQUES DE DEVOTION A MARIE»]

 [D. LA PARFAITE PRATIQUE DE DEVOTION A MARIE]

 [1.] LA PARFAITE CONSECRATION A JESUS-CHRIST

 [2. «LES MOTIFS QUI NOUS DOIVENT RENDRE CETTE DEVOTION RECOMMANDABLE»]

 [Cette dévotion nous livre entièrement au service de Dieu]

 [Cette dévotion nous fait imiter l'exemple donné par Jésus- Christ et par Dieu lui-même, et pratiquer l'humilité]

 [Cette dévotion nous procure les bons offices de la Sainte Vierge]

 [Cette dévotion est un excellent moyen de procurer la plus grande gloire de Dieu]

 [Cette dévotion est un chemin pour arriver à l'union avec Notre-Seigneur]

 [Cette dévotion est un chemin court] 155. 2 Cette dévotion à la Très Sainte Vierge est un chemin

 [Cette dévotion est un chemin parfait] 157. 3 Cette pratique de dévotion à la Très Sainte Vierge est

 [Cette dévotion est un chemin assuré] 159. 4 Cette dévotion à la Très Sainte Vierge est un chemin

 [Cette dévotion donne une grande liberté intérieure]

 [Cette dévotion procure de grands biens au prochain] 171. Septième motif. - Ce qui peut encore nous engager à

 [Cette dévotion est un moyen admirable de persévérance] 173. Huitième motif. - Enfin, ce qui nous engage plus

 [3. FIGURE BIBLIQUE DE CETTE PARFAITE DEVOTION: REBECCA ET JACOB]

 [Histoire de Jacob]

 [Interprétation de l'histoire de Jacob]

 [Devoirs charitables que la Saine Vierge rend à ses fidèles serviteurs]

 [Elle les entretient de tout] 208. Le second devoir de charité que la Sainte Vierge exerce

 [3. Elle les conduit et dirige] 209. Le troisième bien que la Sainte Vierge fait à ses fidèles

 [4. Elle les défend et protège] 210. Le quatrième bon office que la Sainte Vierge rend à ses

 [5. Elle intercède pour eux] 211. Enfin, le cinquième et le plus grand bien que l'aimable

 [4.] LES EFFETS MERVEILLEUX QUE CETTE DEVOTION PRODUIT DANS UNE AME QUI Y EST FIDELE.

 [Participation à la foi de Marie] 214. 2 La Sainte Vierge vous donnera part à sa foi, qui a été

 [Grâce du pur amour] 215. 3 Cette Mère de la belle dilection ôtera de votre coeur

 [Grande confiance en Dieu et en Marie] 216. 4 La Sainte Vierge vous remplira d'une grande confiance

 [Communication de l'âme et de l'esprit de Marie] 217. 5 L'âme de la Sainte Vierge se communiquera à vous pour

 [Transformation des âmes en Marie à l'image de Jésus-Christ] 218. 6 Si Marie, qui est l'arbre de vie, est bien cultivée en

 [La plus grande gloire de Jésus-Christ] 222. 7 Par cette pratique, bien fidèlement observée, vous

 [5.] PRATIQUES PARTICULIERES DE CETTE DEVOTION.

 [Consécration après exercices préparatoires] 227. Première pratique. - Ceux et celles qui voudront entrer

 [Récitation de la petite couronne de la Sainte Vierge] 234. Deuxième pratique. - Ils réciteront tous les jours de

 [Port de petites chaînes de fer] 236. Troisième pratique. - Il est très louable, et très

 [Dévotion spéciale au mystère de l'Incarnation] 243. Quatrième pratique. - Ils auront une singulière dévotion

 [Grande dévotion à l'Ave Maria et au chapelet] 249. Cinquième pratique. - Ils auront une grande dévotion à

 [Récitation du Magnificat] 255. Sixième pratique. - Pour remercier Dieu des grâces qu'il

 [Le mépris du monde] 256. Septième pratique. - Les fidèles serviteurs de Marie

 [Faire toutes ses actions par Marie] 258. 1 Il faut faire ses actions par Marie, c'est-à-dire

 [Faire toutes ses actions avec Marie] 260. 2 Il faut faire ses actions avec Marie: c'est-à-dire

 [Faire toutes ses actions en Marie] 261. 3 Il faut faire ses actions en Marie.

 [Faire toutes ses actions pour Marie] 265. 4 Enfin il faut faire toutes ses actions pour Marie,

 [SUPPLEMENT] MANIERE DE PRATIQUER CETTE DEVOTION

[Cette dévotion est un chemin assuré]
159. 4 Cette dévotion à la Très Sainte Vierge est un chemin
assuré pour aller à Jésus-Christ et acquérir la perfection en
nous unissant à lui:
1 Parce que cette pratique que j'enseigne n'est pas
nouvelle; elle est si ancienne qu'on ne peut, comme dit Mr.
Boudon, mort depuis peu en odeur de sainteté, dans un livre
qu'il a fait de cette dévotion, en marquer précisément les
commencements; il est cependant certain que, depuis plus de
sept cents ans, on en trouve des marques dans l'Eglise.
Saint Odilon, abbé de Cluny, qui vivait environ l'an
1040, a été un des premiers qui l'a pratiquée publiquement en
France, comme il est marqué dans sa vie.
Le cardinal Pierre Damien rapporte que, l'an 1076, le
bienheureux Marin, son frère, se fit esclave de la Très Sainte
Vierge, en présence de son directeur, d'une manière bien
édifiante: car il se mit la corde au col, et prit la
discipline, et mit sur l 'autel une somme d'argent pour
marquer son dévouement et consécration à la Sainte Vierge, ce
qu'il continua si fidèlement toute sa vie qu'il mérita à sa
mort d'être visité et consolé par sa bonne Maîtresse, et de
recevoir de sa bouche les promesses du paradis pour récompense
de ses services.
Cesarius Bollandus fait mention d'un illustre chevalier,
Vautier de Birbak, proche parent des ducs de Louvain, qui,
environ l'an 1300, fit cette consécration de soi-même à la
Sainte Vierge.
Cette dévotion a été pratiquée par plusieurs particuliers
jusqu'au XVII siècle, où elle est devenue publique.

160. Le P. Simon de Rojas, de l'Ordre de la Trinité, dit de la
rédemption des captifs, prédicateur du roi Philippe III, mit
en vogue cette dévotion par toute l'Espagne et l'Allemagne; et
obtint, à l'instance de Philippe III, de Grégoire XV, de
grandes indulgences à ceux qui la pratiqueraient.
Le R.P. de Los Rios, de l'Ordre de Saint-Augustin,
s'appliqua avec son intime ami, le Père de Rojas, à étendre
cette dévotion par ses paroles et ses écrits dans l'Espagne et
l'Allemagne; il composa un gros volume intitulé: Hierarchia
Mariana, dans lequel il traite, avec autant de piété que
d'érudition, de l'antiquité, de l'excellence et de la solidité
de cette dévotion.
Les R. Pères Théatins, au siècle dernier, établirent
cette dévotion dans l'Italie, la Sicile et la Savoie.

161. Le R. Père Stanislas Phalacius, de la Compagnie de Jésus,
avança merveilleusement cette dévotion en Pologne.
Le Père de Los Rios, dans son livre cité ci-dessus,
rapporte les noms des princes, princesses, évêques et
cardinaux de différents royaumes qui ont embrassé cette
dévotion.
Le R. Père Cornelius a Lapide, aussi recommendable pour
sa piété que pour sa science profonde, ayant reçu commission
de plusieurs évêques et théologiens d'examiner cette dévotion,
après l'avoir examinée mûrement, lui donna des louanges dignes
de sa piété, et plusieurs autres grands personnages suivirent
son exemple.
Les R.Pères Jésuites, toujours zélés au service de la
Très Sainte Vierge, présentèrent au nom des congréganistes de
Cologne, un petit traité de cette dévotion au duc Ferdinand de
Bavière, pour lors archevêque de Cologne, qui lui donna son
approbation et la permission de le faire imprimer, exhortant
tous les curés et religieux de son diocèse d'avancer autant
qu'ils pourraient cette solide dévotion.

162. Le cardinal de Bérulle, dont la mémoire est en
bénédiction par toute la France, fut un des plus zélés à
étendre en France cette dévotion, malgré toutes les calomnies
et persécutions que lui firent les critiques et les libertins.
Ils l'accusèrent de nouveauté et de superstition; ils
écrivirent et publièrent contre lui un écrit diffamatoire, et
ils se servirent, ou plutôt le démon par leur ministère, de
mille ruses pour l'empêcher d'étendre cette dévotion en
France. Mais ce grand et saint homme ne répondit à leur
calomnie que par sa patience, et à leurs objections contenues
dans leur libelle par un petit écrit où il les réfute
puissamment, en leur montrant que cette dévotion est fondée
sur l'exemple de Jésus-Christ, sur les obligations que nous
lui avons, et sur les voeux que nous avons faits au saint
baptême; et c'est particulièrement par cette dernière raison
qu'il ferme la bouche à ses adversaires, leur faisant voir que
cette cnsécration à la Très Sainte Vierge, et à Jésus-Christ
par ses mains, n'est autre qu'une parfaite rénovation des
voeux ou promesses du baptême. Il dit plusieurs belles choses
sur cette pratique, qu'on peut lire en ses ouvrages.

163. On peut lire dans le livre de Mr. Boudon les différents
papes qui ont approuvé cette dévotion, les théologiens qui
l'ont examinée, et les persécutions qu'elle a eues et
vaincues, et les milliers de personnes qui l'ont embrassée,
sans que jamais aucun pape l'ait condamnée; et on ne le
pourrait pas faire sans renverser les fondements du
christianisme.
Il reste donc constant que cette dévotion n'est point
nouvelle, et que si elle n'est pas commune, c'est qu'elle est
trop précieuse pour être goûtée et pratiquée de tout le monde.

164. 2 Cette dévotion est un moyen assuré pour aller à Jésus-
Christ, parce que le propre de la Sainte Vierge est de nous
conduire sûrement à Jésus-Christ, comme le propre de Jésus-
Christ est de nous conduire sûrement au Père éternel. Et que
les spirituels ne croient pas faussement que Marie leur soit
un empêchement pour arriver à l'union divine. Car, serait-il
possible que celle qui a trouvé grâce devant Dieu pour tout le
monde en général et pour chacun en particulier, fût un
empêchement à une âme pour trouver la grande grâce de l'union
avec lui? Serait-il possible que celle qui a été toute pleine
et surabondante de grâces, si unie et transformée en Dieu,
qu'il a fallu qu'il se soit incarné en elle, empêchât qu'une
âme ne fût parfaitement unie à Dieu?
Il est bien vrai que la vue des autres créatures, quoique
saintes, pourrait peut-être, en de certains temps, retarder
l'union divine; mais non pas Marie comme j'ai dit et dirai
toujours sans me lasser. Une raison pourquoi si peu d'âmes
arrivent à la plenitude de l'âge de Jésus-Christ, c'est que
Marie, qui est, autant que jamais, la Mère de Jésus-Christ et
l'Epouse féconde du Saint-Esprit, n'est pas assez formée dans
leurs coeurs. Qui veut avoir le fruit bien mûr et bien formé
doit avoir l'arbre qui le produit; qui veut avoir le fruit de
vie, Jésus-Christ, doit avoir l'arbre de vie, qui est Marie.
Qui veut avoir en soi l'opération du Saint-Esprit, doit avoir
son Epouse fidèle et indissoluble, la divine Marie, qui le
rend fertile et fécond, comme nous avons dit ailleurs.

165. Soyez donc persuadé que plus vous regarderez Marie en vos
oraisons, contemplations, actions et souffrances, sinon d'une
vue distincte et aperçue, du moins d'une vue générale et
imperceptible, et plus parfaitement vous trouverez Jésus-
Christ qui est toujours avec Marie, grand, puissant, opérant
et incompréhensible, et plus que dans le ciel et en aucune
créature de l'univers. Ainsi, bien loin que la divine Marie,
toute perdue en Dieu, devienne un obstacle aux parfaits pour
arriver à l'union avec Dieu, il n'y a point eu jusqu'ici et il
n'y aura jamais de créature qui nous aidera plus efficacement
à ce grand ouvrage, soit par les grâces qu'elle nous
communiquera à cet effet, personne n'étant rempli de la pensée
de Dieu que par elle, dit un saint: Nemo cogitatione Dei
repletur nisi per te; soit par les illusions et tromperies du
malin esprit dont elle vous garantira.

166. Là où est Marie, là l'esprit malin n'est point; et une
des plus infaillibles marques qu'on est conduit par le bon
esprit, c'est quand on est bien dévot à Marie, qu'on pense
souvent à elle, et qu'on en parle souvent. C'est la pensée
d'un saint qui ajoute que, comme la respiration est une marque
certaine que le corps n'est pas mort, la fréquente pensée et
invocation amoureuse de Marie est une marque certaine que
l'âme n'est pas morte par le péché.

167. Comme c'est Marie seule, dit l'Eglise et le Saint-Esprit
qui la conduit, qui a seule fait périr toutes les hérésies:
Sola cunctas haereses interemisti in universo mundo; quoique
les critiques en grondent, jamais un fidèle dévot de Marie ne
tombera dans l'hérésie ou illusion du moins formelle; il
pourra bien errer matériellement, prendre le mensonge pour la
vérité, et le malin esprit pur le bon, quoique plus
difficilement qu'un autre; mais il connaîtra tôt ou tard sa
faute et son erreur matérielle; et quand il la connaîtra, il
ne s'opiniâtrera en aucune manière à croire et à soutenir ce
qu'il avait cru véritable.

168. Quiconque donc, sans crainte d'illusion, qui est
ordinaire aux personnes d'oraison, veut avancer dans la voie
de la perfection et trouver sûrement et parfaitement Jésus-
Christ, qu'il embrasse avec grand coeur, corde magno et animo
volenti, cette dévotion à la Très Sainte Vierge, qu'il n'avait
peut-être pas encore connue. Qu'il entre dans le chemin
excellent qui lui était inconnu et que je lui montre:
Excellentiorem viam vobis demonstro.
C'est un chemin frayé par Jésus-Christ, la Sagesse
incarnée, notre unique chef, le membre en y passant ne peut se
tromper. C'est un chemin aisé, à cause de la plénitude de la
grâce et de l'onction du Saint-Esprit qui le remplit; on ne se
lasse point ni on ne recule point en y marchant. C'est un
chemin court, qui, en peu de temps, nous mène à Jésus-Christ.
C'est un chemin parfait, où il n'y a aucune boue, aucune
poussière, ni la moindre ordure du péché. C'est enfin un
chemin assuré, qui nous conduit à Jésus-Christ et à la vie
éternelle d'une manière droite et assurée, sans détourner à
droite, ni à gauche.
Entrons donc dans ce chemin, et marchons-y jour et nuit,
jusqu'à la plénitude de l'âge de Jésus-Christ.