Saint Louis-Marie Grignion de Montfort Règles des Filles de la Sagesse
LEUR PROFESSION ET LEURS VOEUX
REGLES DE PRUDENCE, DE FERMETÉ ET DE CHARITÉ LES UNES ENVERS LES AUTRES
LEUR DEVOTION ENVERS LA SAINTE VIERGE
LA FREQUENTATION DES SACREMENTS
REGLES DES ECOLES CHARITABLES DES FILLES DE LA SAGESSE
ELECTION DE LA SUPERIEURE ET DE SES DEUX ASSISTANTES
REGLES PARTICULIERES DE PRUDENCE ET DE CHARITE QUE LA SUPERIEURE DOIT GARDER
REGLES PARTICULIERES DE PRUDENCE ET DE CHARITE
QUE LA SUPERIEURE DOIT GARDER
301. 1. Elle doit être plus que jamais l'exemple de toutes
sortes de vertus et particulièrement de l'humilité et du
recueillement qui sont les deux vertus les plus difficiles à
conserver dans la supériorité et auxquelles pourtant le Saint-
Esprit excite les supérieurs. C'est pourquoi elle méditera
tous les jours ces deux avertissements de la Sagesse: 1.
"humiliez-vous d'autant plus en toutes choses que vous êtes
plus relevée et si on vous a mise supérieure dans une maison
soyez en humiliée comme une de vos inférieures". 2. "Marthe,
Marthe, vous vous embarrassez et vous troublez beaucoup à
l'égard de plusieurs choses, il n'y a qu'une chose
nécessaire".
302. 2. Elle ne fait jamais rien de nouveau et de conséquence
sans prendre l'avis du père spirituel et de ses deux
assistantes. Si elle est d'un avis contraire au leur, après
avoir simplement représenté ses raisons pour faire le
contraire, elle se détermine à suivre leur sentiment. En
agissant ainsi, elle agira sagement et prudemment parce
qu'elle agira humblement, parce que Dieu donne sa grâce aux
humbles qui malgré leurs lumières, pour l'amour de la paix et
de l'obéissance soumettent leur jugement et, quand même ce
qu'elle voulait serait le plus juste, Dieu tirera sa gloire et
sa victoire de sa soumission. Cependant elle écoute de telle
sorte ses deux assistantes qu'elle ne se détermine à suivre
leur sentiment qu'en leur absence et après avoir fait oraison.
303. 3. Elle se fait plus aimer que craindre, c'est pourquoi
elle gouverne en toutes choses avec la verge d'or de la
charité et non pas avec la verge de fer de la crainte. La
charité d'un supérieur élargit merveilleusement le coeur d'un
inférieur, l'anime et le fortifie à mieux faire. Au contraire
l'esprit de crainte qu'un Supérieur inspire par ses manières
dures, rebutantes, sévères et élevées rétrécit le coeur de
l'inférieur, le rend faible, craintif, pusillanime et abattu.
304. 4. A la vérité elle a l'oeil à tout autant qu'elle peut,
mais elle ne le fait pas quasi paraître, elle ne fait voir à
toutes ses soeurs qu'un grand désir de leur faire plaisir, et
une grand persuasion qu'elle les voit déterminées à tout bien.
Elle évite donc ces manières de gouvernement de plusieurs
Supérieurs qui dans le désir trop ardent qu'ils ont de faire
observer les règles sont partout pour sonder et pour examiner
chaque particulier, qui soupçonnent de tout, qui interprètent
mal les moindres fautes, qui reprennent sévèrement et
imprudemment les défaillants en des temps où ils sont
incapables de recevoir avec fruit la médecine amère de la
correction et qui leur imposent des pénitences involontaires
qui les rebutent, et cette conduite et cette manière de
gouverner n'est bonne qu'à l'égard des esprits bas et serviles
qui se conduisent par la crainte et par la force, mais non pas
du tout à l'égard de ceux qui se lient volontairement et se
conduisent par amour.
305. 5. Cette conduite charitable ne doit pas l'empêcher
d'être ferme et juste en reprenant et en corrigeant les
défaillants. Mais elle sait distinguer les fautes de faiblesse
et d'ignorance d'avec celles qui sont de malice et
d'opiniâtreté. Elle pardonne aisément les premières et
quelques fois elle ne fait pas semblant de les voir, mais elle
reprend et elle corrige sans rémission les secondes, mêlant
toujours beaucoup de douceur dans sa fermeté et faisant
paraître que c'est malgré elle qu'elle en vient à la
correction, pour le bien de toute la communauté. Si elle ne
disait mot, ou fort faiblement, à une de ses soeurs qui, de
propos délibéré sans se vouloir contraindre, tomberait dans
une faute publique contre la règle p.e. romprait le silence ou
l'obéissance, elle tomberait dans une connivence ou
condescendance condamnable et elle répondrait à Dieu de la
transgression des règles et du relâchement que cette conduite
introduirait.
306. 6. Quand quelqu'une de ses soeurs fait une faute publique
qui paraît devant les autres, si elle croit que cette soeur
aura assez de vertu pour souffrir une réprimande publique,
elle la lui fera, mais si la défaillante transportée par la
passion n'est pas en état de profiter de la réprimande, la
Supérieure priera la communauté devant qui la faute se fait,
de n'être pas scandalisée et qu'elle y mettra ordre, et puis
quelque temps après, elle lui fera la correction en
particulier et lui ordonne une pénitence publique pour réparer
sa faute publique.
307. 7. Elle ne reprend jamais publiquement des fautes
commises en secret et qui n'ont scandalisé personne.
308. 8. Elle se donne bien de garde de tutoyer ses
inférieures, de leur dire des paroles injurieuses, de leur
faire publiquement des reproches même justes de leurs
communions, de disputer et criailler contre elles. Mais elle
leur parle en public et en particulier avec toute sorte
d'humilité et de charité. Et quand elle a un juste sujet de
les reprendre fortement elle le fait toujours avec honnêteté.
Quand une de ses inférieures dispute, elle lui cède dans le
moment et par après lui fait connaître et payer sa faute.
309. 9. Quand une soeur ou un pauvre de l'hôpital ou un enfant
de l'école se vient plaindre à elle de quelque Supérieure
subalterne, elle l'écoute avec paix et charité mais elle ne
l'approuve pas de telle sorte qu'elle condamne la conduite de
cette Supérieure. Au contraire elle tâche d'approuver devant
celui ou celle qui se plaint, quoique effectivement cette
soeur ait tort, réservant à parler en particulier à cette
soeur pour découvrir la vérité de la faute et y mettre ordre.
310. 10. Elle prend bien garde d'ajouter foi tout d'abord au
mal qu'on lui rapporte des inférieurs pour y mettre ordre mais
elle suspend son jugement et ne condamne point ouvertement la
personne accusée jusqu'à ce qu'elle ne soit pleinement
informée de la vérité.
Elle garde un grand secret des choses qui se passent dans
la communauté et elle le fait garder exactement à toutes les
Soeurs, corrigeant sévèrement celle qui babillent et qui ne
retiennent point leurs langues.
311. 11. Voici ce que dit saint François de Sales, et ce
qu'elle doit observer: comme l'âme et le coeur répandent leur
assistance, mouvement et action en toutes les parties du
corps, ainsi la Supérieure doit animer de sa charité, de son
soin et de son exemple toute la congrégation, vivifiant par
son zèle toutes les soeurs qui sont en sa charge, procurant
que les règles soient observées le plus exactement qu'il se
pourra et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse
en la maison; et pour cela elle ouvrira sa poitrine maternelle
et aimable à toutes les filles également, afin qu'en toute
confiance elles aient recours à elle en leurs doutes,
difficultés, scrupules, troubles et tentations.
312. Qu'elle observe elle-même de tout son pouvoir les règles
et constitutions sans qu'elle pratique aucune singularité ni
prenne, ni reçoive aucun avantage en habits, viandes et autres
choses, sinon comme les autres à mesure que la nécessité le
requerra.
313. Elle commandera à chacune de ses soeurs et à toutes en
général avec des paroles et contenances graves, mais suaves;
avec un visage et maintien assuré mais doux et humble, et avec
un coeur plein d'amour et de désir du profit de celle à qui
elle commande.
314. Elle tiendra les yeux attentifs sur ce petit corps de
congrégation afin que toutes les parties d'iceluy respirent la
paix, la concorde, l'union et le service très aimable de
Jésus-Christ et partant, lorsqu'une fois les mois les Soeurs
lui rendent compte de leurs âmes, elle les examinera,
s'enquérant discrètement de l'état présent de leur esprit pour
par après les aider, exciter, corriger et soulager.
315. Elle pouvoira avec un soin particulier à la nécessité des
malades. Elles les servira fort souvent de ses propres mains
ès maladies de conséquence.
316. Elle élèvera avec un coeur paternel les Soeurs qui comme
petits enfants seront encore faibles en la dévotion, se
ressouvenant de ce que dit saint Bernard à ceux qui servent
les âmes:
La charge des âmes, dit-il, n'est pas des âmes fortes
mais des infirmes: Car si quelqu'un te secourt plus qu'il
n'est secouru de toi, reconnais que tu es non pas son père,
mais, son pair. Les justes et parfaits n'ont pas besoin de
supérieur et de conducteur, ils sont eux-mêmes leur loi et
leur direction par la grâce de Dieu et font assez sans qu'on
leur commande.
La Supérieure doit être particulièrement pour les
imbéciles et débiles, bien qu'aussi elle ne doit pas
abandonner les parfaites afin qu'elles persévèrent sans se
relâcher. Et partant, qu'elle prenne garde aux nécessités des
Soeurs selon la sincérité de la dilection chrétienne et non
selon les inclinations naturelles, et sans avoir égard à
l'extraction ou origine des filles, à la gentillesse de leurs
esprits, bonnes mines, et autres telles conditions attrayantes
et qu'elle ne familiarise pas en telle manière avec les unes
que cela puisse servir de tentation d'envie aux autres.
317. Elle ne reprendra point les fautes qui se commettent sur
le champ devant les autres, ains en particulier avec charité,
sinon que la faute fut telle que pour l'édification de celles
qui l'auraient vue faire elle requiert un prompt resentiment,
lequel en ce cas là elle fera de telle sorte que blâmant le
défaut elle soulage la défaillante, tâchant d'être vraiement
redoutée mais pourtant beaucoup plus aimée.
318. Qu'elle ne concède point aisément à pas une l'usage des
sacrements plus fréquent que celui qui est porté par les
constitutions de peur qu'au lieu d'une amoureuse et
respectueuse communion, il ne s'en fasse plusieurs par
imitation, jalousie, propre estime et vanité.
319. Elle se choisira une bonne amie parmi ses soeurs qui
l'avertisse charitablement de ses défauts et à laquelle les
autres soeurs puissent facilement s'adresser pour lui dire
leurs plaintes qu'elles n'oseraient pas lui faire directement
à cause du respect et elle l'écoutera joyeusement lorsqu'elle
en sera avertie en particulier.
320. 12. Elle a le pouvoir de dispenser de l'observance des
règles en des cas particuliers selon que la prudence et la
charité et la nécessité le requièrent soit à cause de la
maladie soit à cause des emplois, mais elle n'en dispense
jamais aucune soeur pour toujours eu égard à la seule qualité
de la personne.